Pour ce premier article, j’ai souhaité aborder un thème qui concerne tous les secteurs d’activité : la transformation digitale. Qu’il s’agisse de la banque, du tourisme, de la distribution, de l’agriculture ou même de la santé, tous les secteurs sont touchés par la mutation numérique, mais certains secteurs en France ou à l’étranger ont réussi à tirer leur épingle du jeu en prenant de l’avance. Quels sont les catalyseurs de cette transformation digitale ? Quels sont les objectifs à atteindre ? Quels sont les risques et comment les mitiger ?
De quoi parle-t-on ?
Lorsque l’on évoque la transformation digitale, beaucoup imaginent qu’il suffit de transposer son activité sur le digital par un site transactionnel ou une application pour y parvenir, mais la mutation dont on parle va beaucoup plus loin.
Nous vivons une (r)évolution significative de toutes nos industries, lorsque nous parlons de transformation digitale il s’agit en fait tout simplement de la modernisation des métiers, avec tout ce que cela implique. Le digital n’étant alors qu’un outil de modernisation. Mais, la spécificité est que le périmètre d’action du digital est vaste : marketing, technologie, innovation, systèmes d’informations, logistique, etc.
Un stade de maturité qui varie selon les secteurs
Poussés par les besoins utilisateurs et une forte émulation liée à la concurrence, certains secteurs ont entamé la transformation digitale il y a déjà plusieurs années, ce qui crée aujourd’hui des écarts significatifs d’un secteur à un autre, comme en témoigne l’étude McKinsey sur la mutation numérique des entreprises.
Pour mieux comprendre ces niveaux de maturités disparates, il convient de prendre conscience des difficultés perçues par les entreprises. Le résultat du sondage ci-dessous apporte quelques éléments de réponses : on y aperçoit clairement que les difficultés se concentrent sur la structure organisationnelle, la montée en compétences des équipes, le budget et l’implication du management.
Les étapes clés de la transformation digitale
Afin de prendre en compte au mieux les difficultés liées à la transformation digitale, un processus en 3 étapes clés et dont la durée s’étend sur 1 à 2 ans a été identifié par le MIT et corroboré par une analyse de McKinsey.
1. Construire et communiquer une vision numérique
- Définir la vision cible, en se concentrant sur le moyen terme avec des ambitions et des objectifs quantifiés.
- Identifier les initiatives en cours.
- Déceler les talents numériques existants.
- Construire le business case en tenant compte :
- Des tendances numériques du secteur
- De la maturité numérique actuelle de la société
- Aligner la direction générale sur la vision cible.
2. Définir le périmètre du plan de transformation
- Identifier et prioriser les initiatives de transformation :
- Multicanal et expérience client numérique
- Produits et offres enrichies par le numérique
- Prise de décision mieux factualisée (tests utilisateurs, données analytiques, etc.)
- Transformation numérique des processus de bout en bout
- Mettre en place la tour de contrôle en termes de ressources nécessaires (ex. équipe de transformation numérique).
- Constituer le plan d’implémentation global en identifiant les jalons clés.
3. Lancer la transformation numérique globale
- Lancer la mise en oeuvre des initiatives prioritaires avec une approche d’apprentissage par la pratique (« test and learn »).
- Réaliser les initiatives permettant d’obtenir des résultats rapides (« quick wins »).
- Suivre rigoureusement les initiatives numériques selon des critères de performance en différenciant les phases de développement et de mise en oeuvre.
- Rechercher des partenariats externes innovants.
Les leviers pour favoriser la réussite
Adapter la structure organisationnelle
La structure organisationnelle doit favoriser la mobilisation des talents et leur efficacité, pour y parvenir plusieurs modèles existent (en fonction du secteur et du contexte organisationnel actuel) :
- Créer une cellule dédiée au numérique au sein de laquelle les talents digitaux sont regroupés : il s’agit ici de créer une branche indépendante composée d’équipes pluridisciplinaires (marketing, techniques, créatives, etc.). Idéalement, cette branche n’est pas rattachée au marketing, à la communication ou à la DSI. Il s’agit d’une équipe indépendante, transverse, qui se coordonne avec les autres divisions.
- ou, Créer des centres de compétences digitaux au sein de chaque centre de profit de l’entreprise (exemples : par marque, par région, ou par entité, etc.)
Le point commun entre ces deux modèles, et le plus important pour favoriser l’efficacité, est de décloisonner les équipes qui interviennent sur un même projet digital. Il faudra par exemple si possible éviter d’avoir d’un côté des interlocuteurs digitaux au sein d’une Direction Marketing et d’autres interlocuteurs digitaux au sein d’une DSI.
Assurer une bonne gestion des talents digitaux
La mutation numérique est avant tout une question de personnes et de projet d’entreprise. Il est donc indispensable d’identifier les compétences digitales actuellement présentes au sein de l’entreprise, et d’organiser la montée en compétences de ceux qui le souhaitent (pratique, formations, coaching, etc.). Le rôle des ressources humaines est capital dans cette démarche, de manière à ce que chacun parvienne à identifier son intérêt et les perspectives offertes.
Si les compétences internes existantes ne sont pas suffisantes pour répondre aux ambitions de la vision cible, au delà des recrutements possibles, envisager une croissance externe par l’acquisition/fusion avec un acteur déjà avancé dans sa transformation digitale peut être un levier efficace pour intégrer des équipes numériques déjà opérationnelles.
Mettre l’utilisateur et la donnée au cœur du processus de décision
Il est parfois difficile de fédérer les équipes et les directions aux changements souhaités, pour y parvenir, un arbitre incontestable est l’utilisateur. Que ce soit par des tests utilisateurs ou par l’analyse des données, il est primordial de mettre l’utilisateur au centre de la démarche de transformation. Les retours obtenus pourront alors être utilisés en argumentaire pour accélérer les prises de décisions en capitalisant sur la « posture neutre » de l’utilisateur. Au delà des prises de décision, solliciter l’utilisateur final dans le cadre du processus de transformation permettra également d’accroître la valeur d’usage et l’adéquation entre un produit et ses cibles.
Impliquer les DSI dans la démarche
Même si le modèle organisationnel vise à décloisonner les organisations, il est capital de travailler en étroite collaboration avec les DSI afin de bien appréhender les impacts sur les systèmes d’informations présents et favoriser le travail en équipe.
Le succès de la transformation digitale passera inévitablement par des équipes techniques qui sauront se montrer agiles et flexibles. Dans certains secteurs cela sera plus complexe à organiser, notamment lorsque les enjeux de sécurité sont accrus. Il conviendra alors d’identifier les interlocuteurs « digitaux » au sein de la DSI et de si possible les inclure dans la cellule digitale créée.
Accompagner le changement culturel
La culture d’entreprise a un rôle important dans la transformation digitale. En effet, elle sera par exemple plus facile à mettre en oeuvre dans un contexte où l’innovation est déjà au cœur de l’entreprise.
Au contraire, dans certains secteurs plus historiques, la transformation digitale devra être fortement accompagnée par le management et les équipes RH. La transformation digitale passera alors forcément par une très forte communication autour de la vision cible établie et durant toutes les étapes de la mutation, avec une communication claire sur les impacts attendus pour les différents salariés de l’entreprise. Si les salariés ne se sentent pas en phase avec la démarche de transformation digitale, ou si ils n’identifient pas clairement les bénéfices attendus, cela pourra être un frein pour la bonne exécution de la vision cible. L’implication de la direction générale et des RH est donc capitale.
Les objectifs à atteindre
Même si les objectifs varient évidemment en fonction du secteur, de l’entreprise, et du niveau de maturité actuel, l’objectif central pour toute entreprise est l’augmentation du chiffre d’affaires et de la marge. La transformation digitale doit y répondre par l’atteinte des objectifs généraux suivants, applicables à tous les secteurs :
- Fluidifier les processus métiers afin de gagner en efficacité et en satisfaction client.
- Favoriser la mise en application de l’innovation afin de rester concurrentiel face aux nouveaux acteurs dont les organisations sont plus flexibles/agiles.
- Créer de l’engagement auprès des clients et prospects par une expérience client simplifiée dont le pivot central doit être la valeur d’usage des services/produits.
Les risques et mitigations identifiées
Les points de vigilance et risques sont nombreux, au delà des risques découlant directement des leviers de réussite, on peut entre autres anticiper les 3 risques ci-dessous.
Risque n°1 : Une équipe digitale qui a grandit trop vite
La transformation digitale doit être accompagnée, notamment en terme de management, et sa croissance doit être maîtrisée. Une croissance trop rapide de la taille de l’équipe, un rapprochement trop rapide d’interlocuteurs qui l’ont pas l’habitude de travailler ensemble, ou une mauvaise coordination des équipes digitales rapprochées, générera inévitablement une désorganisation qui aura un impact direct sur l’efficacité et les prises de décisions.
Mitigation du risque :
Imaginer la cellule digitale comme une entreprise dans l’entreprise, dans le sens où elle doit s’appuyer sur des fondations solides avant de croître. Ainsi, à la manière d’une PME, on tachera dans un premier temps de capitaliser pleinement sur les compétences existantes et la croissance organique devra se faire de façon maîtrisée, progressive et factuelle par rapport aux besoins. Il sera contre-productif de rapprocher 50 talents digitaux existants d’un coup si leurs intégrations et leurs missions n’ont pas été clairement anticipées et cadrées.
Risque n°2 : Une mauvaise prise en compte des profils non-digitaux (qu’ils soient clients ou salariés)
Nous sommes à une époque charnière où il subsiste encore 2 générations (50/70 ans et les 70+) qui ne maîtrisent pas forcément tous les outils digitaux quotidiens. Qu’ils soient salariés de l’entreprise en transformation ou clients, il ne faut pas les oublier. De nombreux salariés appréhendent avec difficultés le remplacement de leurs activités par des outils digitaux (on peut prendre l’exemple des compagnies aériennes où les bornes remplacent de plus en plus les missions du personnel au sol). Il en va de même pour des utilisateurs non-adeptes des outils digitaux et qui auront plus de mal à utiliser les produits issus de la transformation, aussi simples soient-ils.
Mitigation du risque :
Accompagner le changement par la pédagogie et la communication en anticipant l’évolution des métiers et les impacts sur les métiers « non-digitaux ». L’impact RH est significatif, il s’agira de redéfinir explicitement les nouveaux rôles et d’impliquer les salariés. On pourra par exemple envisager de recentrer les rôles autour de la pédagogie autour des offres et l’accompagnement des clients, permettant ainsi de contre-balancer l’aspect « déshumanisant » du digital pour les générations les plus âgées.
Risque n°3 : Des prises de décision difficiles qui freinent la transformation
Plus la taille du Groupe est conséquente, plus le circuit décisionnel sera long et peu propice à une transformation digitale efficace. Par ailleurs, il est souvent plus confortable de penser que le mode de fonctionnement actuel est optimal et que l’évolution n’est pas nécessaire. Or, lorsque l’on n’évolue pas, on régresse. La peur de l’échec et la crainte de porter la responsabilité de l’échec comptent parmi les principales causes de cette rigidité.
Mitigation du risque :
Adopter un principe d’amélioration continue, un mode de fonctionnement agile, basé sur la capitalisation sur les retours des expériences pour s’améliorer, un mode de pensée au sein duquel l’échec n’est pas une fin en soit mais une étape nécessaire sur le chemin de la réussite. Ces retours d’expériences peuvent s’illustrer par des retours de tests utilisateurs, ou par le fruit de l’analyse du Big Data, à partir desquels découlent des actions concrètes à mettre en oeuvre. Ces retours d’expériences obtenus par des éléments factuels serviront également de levier à la prise de décision des interlocuteurs récalcitrants.
Et vous, où en êtes-vous de votre transformation digitale ?
N’hésitez pas à me faire part de vos remarques, commentaires et retours d’expérience.
Je vous recommande d’ailleurs la lecture de cet article : « Comment évaluer la maturité digitale d’une entreprise ? »
Pour aller plus loin, je vous recommande de lire :
- L’étude Roland Berger sur les opportunités liées à la transformation digitale (PDF – 1,2Mo)
- L’étude McKinsey sur l’accélération de la mutation numérique en France (PDF – 10Mo)
- Cet article sur le retard des entreprises françaises dans le domaine de la transformation numérique
- Le rapport d’information de l’Assemblée Nationale sur le développement de l’économie numérique française
Salut Mat!
Super article, c’est genial que tu te lance dans l’écriture d’articles en rapport Alec ton coeur de métier!
Petite question: as-tu des examples d’implementation de la transformation digitale qui ont fonctionné et ou qui se sont heurtés à des problèmes?
@+
Salut Greg ! Merci pour ton commentaire ! En termes d’exemples de transformation digitales réussies, on peut par exemple citer SNCF qui a su se moderniser depuis déjà plusieurs années (e-billets, réservations en ligne, services clients en ligne, etc.) et notamment avec la création d’une filiale dédiée au digital (voyages-sncf.com) avec des équipes dédiées et qu’ils ont poussé jusqu’à en faire une marque spécifique.
Dans les autres exemples réussis, en restant sur le tourisme, on peut citer la plupart des compagnies aeriennes avec une modernisation conséquente de leurs installations, allant jusqu’à rendre le client autonome pour faire son check-in et son embarquement. Cette modernisation et cette fluidification des processus métiers permet aujourd’hui aux clients de bénéficier de tarifs que nous n’aurions pas imaginé envisageables il y a encore 10 ans. En revanche, ils ont à mon sens encore du travail sur la prise en compte et la réaffectation des profils non-digitaux.
Mais la digitalisation d’une activité est un processus d’amélioration continue, il y a donc encore beaucoup à faire même au sein des secteurs les plus en avance.
Bonjour
Quelles sont les évolutions digital dans un secteur aussi éloigné qu’est la construction immobilière ?
Nous entendons bien parler des imprimantes 3D mais qui semblent encore futuriste… Par contre dans un quotidien de conception et construction, quels sont d’après vous les prémisses de la futur (r)évolution digital ?
Merci de votre expertise.
Bonjour Thierry, les applications possibles pour le secteur de la construction sont nombreuses, par exemple des outils permettant la gestion et le réapprovisionnement des stocks de matières premières en temps réel, le suivi en temps réel de l’avancée d’un chantier (que ce soit pour les commanditaires ou les chefs de chantier), permettre aux clients finaux d’échanger en direct avec les intervenants sur le terrain pour accélérer les prises de décisions via des apps, etc. Il y a beaucoup de choses à imaginer, mais comme je l’expliquais dans mon article, il s’agit avant tout (pour l’entreprise qui le souhaite) de définir une vision cible et de se donner les moyens de sa réussite (notamment au travers des quelques exemples organisationnels que je présentais dans l’article) afin de construire un tout cohérent qui génère une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise et ses clients. J’espère avoir répondu en partie à vos questions. À bientôt. Matthias
bonsoir,
article clair et très intéressant! la perspective donnée sur les enjeux et écueils de la transformation digitale est très intéressante.
dans le secteur de la sécurité B2C et B2B, le potentiel représenté par la révolution digitale est particulièrement vaste. J’en suis convaincu en tant que dirigeant, mais mobiliser les équipes qui travaillent dans un modèle qui a peu évolué sur les 10 dernières années, et généré des taux de croissance annuels de à deux chiffres est très difficile. Pourquoi changer alors que çà fonctionne très bien et que tous les collaborateurs sont déjà à fond pour répondre à la croissance naturelle ? c’est mon défi de tous les jours que d’arriver à pousser les équipes à aller au delà de cette vision court terme et de prendre collectivement le virage digital ! et c’est un beau défi.
Frédéric
Bonjour Matthias,
Excellente synthèse de la transformation et de la gouvernance digitale chez l’annonceur. J’aimerai bien par contre avoir votre point de vue sur les profils les plus adéquats pour mener cette transformation. J’ai bien une petite idée mais l’avis d’un pure digital m’intéresse au plus haut point. Bien à vous. FH
Coucou Mathias,
il est super ton article ! ça m’aide à prendre un peu de recul en cette heure tardive, et cela me donne quelques billes pour conclure ma charrette à l’agence. des bisous !
Très bon article,
Cela me donne de belles opportunités d’analyse et de traitement d’un dossier de transformation digitale d’une entreprise dans le domaine financier. je vous souhaite bon et bonne continuation.
Amdi
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