Dans les métiers du marketing et du digital, on se dit souvent « ça va, on sauve pas des vies » afin de dé-dramatiser et ne pas succomber à la pression. Et si l’avenir du digital nous orientait petit à petit vers une autre voie ? Avec l’avènement des « wearables » (objets connectés à porter) et du « quantified-self » (données personnelles émanant des objets connectés), la prochaine grande étape déjà amorcée est la digitalisation de la médecine. Quels impacts cela pourrait-il avoir sur notre quotidien ? Cela pourrait-il bousculer notre conception même de la médecine en général ?
L’ère du quantified-self, une première étape
Depuis quelques années et surtout depuis quelques mois, les objets connectés fleurissent dans tous les sens. Certains sont plus utiles que d’autres, mais ceux rencontrant le plus de succès sont ceux qui permettent la mesure de soi, le fameux « quantified-self ». Qu’il s’agisse de bracelet, de montre, de pèse personne, et j’en passe, tous nos objets seront bientôt connectés et nous remontent le nombre de pas effectués dans la journée, le pouls, le nombre de calories brûlées, la masse osseuse/graisseuse, etc.
Tous ces objets forment une somme de données nous concernant qui pourront à terme dresser une photographie de notre état de santé à un instant t. Car même si pour le moment, les données qui ressortent de ces objets ne sont que superficielles, il pourrait bientôt en être autrement.
Lorsque l’on regarde les innovations de ces dernières années et qu’on se projette pour voir comment celles-ci pourraient un jour s’appliquer à la santé, de nouvelles perspectives passionnantes apparaissent.
Prenons l’exemple de SCiO, cette startup Isralienne a inventé un petit objet portatif qui permet de connaitre la composition d’un aliment et ainsi d’en déterminer si il est propre à la consommation. Derrière cette invention se trouve une technologie appelée la « spectrographie », en gros, il s’agit d’envoyer une onde à travers un corps puis d’en déduire les propriétés en fonction des spectres des réflexions obtenues. Cela permet notamment de connaître les taux de sucres et autres. Demain, une technologie similaire pourrait être appliquée dans des bracelets connectés pour surveiller à fréquence régulière certaines constantes médicales.
Du quantified-self à la médecine prédictive
Avec l’arrivée d’objets connectés permettant la mesure des données d’un patient, nous nous dirigeons progressivement vers une médecine prédictive. Au lieu de soigner essentiellement les maux telle que le fait la médecine occidentale traditionnelle, nous pourrions désormais évoluer vers des systèmes préventifs et prédictifs.
Concrètement, nos objets connectés communiqueront bientôt avec nos médecins traitants, et permettront par exemple aux médecins de suivre les constantes des patients à distance et d’accélérer les diagnostics.
Artefact, une startup de Seattle, a par exemple inventé « Dialog« , un capteur intelligent sous forme de patch qui permet de prévenir les crises d’épilepsie. Dialog envoie des informations biométriques telles que le suivi par EEG (électroencéphalogramme) directement sur le Smartphone du patient et interagit directement avec son médecin traitant et ses proches.
Mais, si nous ajoutons à cela l’analyse automatisée de ces données à grande échelle (une sorte de Big Data appliqué à la médecine), alors nous pourrons capitaliser sur les données de masse acquises pour prédire l’évolution d’un patient sur la base d’une somme de micro-symptômes cumulés déterminés comme à risques au regard des retours d’expérience.
Nous pourrons alors nous diriger vers une médecine prédictive, où une somme d’actions préventives pourraient être menées en amont de l’apparition d’une potentielle maladie. Et peut-être enfin d’être en capacité d’appliquer des solutions en amont plutôt que de se contenter d’estomper des symptômes à posteriori.
Le digital comme outil d’une médecine à distance
Et si les outils médicaux digitalisés du monde de demain permettaient à des médecins de suivre des patients en masse à distance ? Certes le suivi en masse ne va pas dans le sens d’une médecine de qualité, à première vue. Mais ne vaut-il pas mieux une médecine de masse à distance plutôt qu’aucune médecine ?
Concrètement, en permettant le suivi de constantes médicales à distance par l’utilisation d’objets connectés, nous pourrions être en mesure d’anticiper des épidémies et de les prévenir, notamment dans les pays du tiers monde.
Certes, aujourd’hui il parait encore surréaliste de penser que des populations qui peinent à subvenir à leurs besoins vitaux puissent être équipés d’objets connectés de façon généralisée. Mais l’internet mobile se développe très fortement dans toutes les régions du monde, y compris en Afrique, et dans quelques années les coûts de production d’objets connectés pourraient être bien inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui (par un effet de volume de production bien supérieur).
Mais il ne suffit pas de collecter des données pour pouvoir agir. Dotées de ces données sanitaires en temps réel, des actions humanitaires ciblées pourraient être menées et aider concrètement les populations qui en ont le plus besoin.
Tout ceci semble ressembler à un livre de science fiction, ou au mieux à un roman d’anticipation, mais sommes-nous vraiment si loin de ces perspectives ? Il suffit d’observer les innovations qui émergent pour se faire une idée.
Assurances, mutuelles, et laboratoires : les grands acteurs de la digitalisation du monde de demain
Face au potentiel économique, de nombreux acteurs sont déjà positionnés, mais qui peut mener activement cette révolution de la santé connectée ?
Des startups autour de la santé digitale apparaissent chaque jour, mais malheureusement la plupart d’entre elles n’auront pas la force de frappe nécessaire pour appliquer leurs innovations à très grande échelle.
Les grands acteurs du numérique, les GAFA (Google Amazon Facebook Apple), sont eux aussi sur le créneau. Google travaille notamment très activement sur ce sujet en développant des lentilles permettant le contrôle du diabète, ou des innovations concernant la recherche contre le cancer. Mais alors que de nombreuses questions s’accumulent autour des problématiques de la protection des données et de la vie privée, le public souhaitera-t-il que ces acteurs détiennent également des données médicales avancées, au risque de les voir être monétisées au plus offrant ?
Il reste alors les acteurs historiques de la santé (assurances, mutuelles, laboratoires), ils sont les premiers bénéficiaires économiques des soins apportés aux patients. Et contrairement aux GAFA, ils bénéficient pour la plupart d’un capital confiance significatif de la part du grand public concernant la protection des données confiées. En procédant à leur transformation digitale en profondeur avec succès, et par la création de labs d’innovations digitales (ou par l’acquisition de startups prometteuses), ils pourraient bien sortir leur épingle du jeu en premier.
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